# 10 AI ART: art artificiel
J’ai longtemps hésité à me fendre d’un texte sur la montée en puissance de l’AI, artificial intelligence, dans nos vies et surtout dans nos vies d’artistes. Mais voilà, après plusieurs débats enflammés, je vais vider mon sac ici. Voilà des années que je vois l’AI arriver, et pas seulement parce que j’ai lu du cyber punk et que j’aime Blade Runner.
Toutes les idiotes applications de manipulation de l’image nous y prépare. C’est gratuit et ludique, ça flatte l’ego, le grand point faible de l’humanité. Mais dans le fond ces applications gratuites ne sont que des entraînements pour les AI et leur application dans différents domaines, de la reconnaissance faciale à l’art. L’AI calcule et apprends. Comme une élève disciplinée. Il suffit de lui donner de quoi apprendre et plus l’échelle est grande plus elle apprend vite. Et nous voilà face à des AI capable de faire des images extraordinaires à partir d’une phrases, de mots clés: les prompts.
MAÎTRISER SON VOL
Il y a quelques années j’avais lu un texte passionnant sur l’aviation, et surtout sur un problème qui émergeait en même temps que la modernisation rapide technologie en vol. La British Airways s’était rendu compte que de plus en plus d’incidents apparaissaient, mineurs pour l’instant, en rapport avec le pilotage automatique. ( a lire ici )
Les pilotes lui faisant de plus en plus confiance perdaient certains automatismes dans des cas où le vol manuel était la seule solution. La British Airways a rappeler des pilotes retraités, qui n’avaient pas volé ou peu volé avec des pilotes automatiques aussi performants pour ré-apprendre le vol manuel aux pilotes actuels.
Mais quel rapport avec l’AI ? Avec l’art ?
PERDRE LA MAIN:
Plus la technologie est performante plus l’humain laisse la main aux machines. Seulement, voilà, parfois la technologie supplante tellement l’humain qu’il perd, oublie, se défait se savoir-faire.
Bien sûr en art il n’y a pas de vie en jeu. On ne met personne en danger si on ne s’en remet qu’à la machine. Mais la première question que m’a posé l’AI est celle de la perte de sa main. J’ai toujours pensé que perdre les miennes seraient une catastrophe pour moi. Elles sont mon outil. Un outil que j’essaie de perfectionner depuis des années pour répondre aux images mentales que mon cerveau produit.
Avec l’AI cette question ne se pose plus, elle entraîne l’inutilité du vol manuel. Qui que vous soyez vous pouvez produire une image en peu de temps. Il n’y a qu’à demander à la machine. Avec les années l’humain perdra probablement son corps entier. Par facilité et fascination. Nous n’en sommes pas encore là, sauf pour les artistes en un sens. ( AI and the future of humans , à lire ici)
DÉCONSIDÈRATION
Les conséquences sur nos vies seront multiples. Je sais que beaucoup pensent que nous n’avons pas de vrais métiers et c’est sûrement un point qui complique encore plus le débat. La déconsidération de l’artiste comme travailleur face au mythe inébranlable de l’artiste comme un être qui n’aurait pas de besoin matériel et ne se nourrirait que d’une forme de reconnaissance. Hélas, si nous avons choisi la voie de la passion nous n’en restons pas moins des travailleurs. Iriez vous dire à un chef passionné de cuisine que sont métier n’en est pas un? Non.
OUI, nous sommes des travailleurs et à ce titre nous cotisons, nous avons des compte à rendre aux impôts, bref nous sommes effroyablement banals.
Sauf que… l’AI vient désormais compliquer notre situation économique déjà précaire pour beaucoup d’entre nous.
Vous avez tous en tête ces usines qui mettent aux chômage des tas de gens parce que des machines remplacent dix ouvriers ? C’est ce qui va se passer pour nous. L’AI va détruire de nombreux emplois dans notre branche. Là où l’on payait un illustrateur ce ne sera plus la peine. Il suffira de rentrer une phrase plus ou moins longue pour avoir l’illustration souhaitée. Rien de plus. Une phrase là où un artiste mettraient plusieurs jours. UNE… PHRASE. La machine fait le reste.
Combien d’illustrateurs travaillant pour la pub, la presse, l’édition, sur commande vont se voir remplacés? Beaucoup. Et cerise sur le gâteau nous n’avons pas droit au chômage, ni à l’intermittence. Ce sera brisé net et salement.
ÉTHIQUE ET TOC
il y a ensuite l’aspect éthique : à qui appartient l’image ? A la machine? A l’humain? Au deux? Un peu des deux mais beaucoup à la machine. L’implication de l’humain est extrêmement minime et pour moi il est carrément incompréhensible d’être fier du résultat quand on a si peu fait. On parle d’ego pour les artistes, mais là, ça dépasse tous nos egos réunis.
FEED THE MONSTER
Deuxième question, mais d’où sort ce qui nourrit l’AI? Leur concepteurs se gardent bien d’être précis sur le sujet car l’AI va tout simplement chercher le travail d’artistes tout à fait humains sur le web. Parfois il y reste même un ersatz de signature. D’autres reconnaissent leur style. Nos droits, déjà beaucoup piétinés, sont carrément oubliés. C’est si pratique.
Mais l’AI, maline machine, va finir par puiser dans ses propres productions et devenir de plus en plus intelligente et performante et en roue libre.Plus vous l’utilisez, plus vous nous effacer. Pourquoi ? pour vous sentir créatifs? On peut l’être de façon tellement plus constructive et vraie.
IRRÉEL FUTUR
Je suis heureuse d’avoir fait ma carrière sans me soucier de savoir comment contourner la machine. Par ailleurs je me sens pour l’instant éloignée du danger avec ce que je fais.
Je plains les jeunes qui entrent dans le métier et qui vont devoir faire avec. Bien sûr il sont plus habitués que nos générations à la technologie. Mais je ne suis pas certaine que ce soit rendre un service à l’art et aux futur créateurs que de les mettre en compétition avec l’AI. L’art deviendra de plus en plus intangible et complètement accessible par tous. Les artistes en tant que tels n’existeront plus. Suivra l’humain dans sont entièreté, plongée dans les rêves de machines et de vies utopiques. Quelle optimisme de ma part n’est-ce pas ?
IGNORE THE MACHINE
Je crois que l’AI n’est finalement que le reflet de la perte d’une part de notre humanité.
Avec la facilité qu’offre les machines qui aura encore envie d’être curieux, qui aura encore envie de chercher par lui-même à construire, à composer, à se développer ?
La question n’est pas comment défini-t-on un artiste, car nous pouvons tous l’être, mais de quelle manière voulons nous l’être ?
À toutes et tous je vous souhaite une bonne fin d’année quoique vous fassiez.
Mina
A LIRE ( en anglais, peu de texte sont sortis en français pour l’instant)